Titre original :
Beauty and the Beast : Belle's Tale
Éditeur :
nobi nobi !
Date de publication France :
Le 26 avril 2017
Genre :
Manga
Auteur(s) :
Mallory Reaves (Texte)
Studio Dice (Dessin)
Autre(s) Date(s) de Publication :
TOKYOPOP (US) : Le 25 avril 2017
Nombre de pages :
192

Le synopsis

Partie à la recherche de son père disparu, Belle se retrouve dans un château enchanté habité par une Bête. Sur place, elle est prête à échanger sa propre vie contre celle de son père...

La critique

rédigée par

En 2017, Mallory Reaves et Studio Dice réalisent deux mangas en noir et blanc reprenant l'histoire de La Belle et la Bête, dépeignant respectivement le point de vue de Belle et celui de la Bête. Édités chez Tokyopop le 25 avril 2017, les deux mangas sont proposés dès le lendemain par l'éditeur nobi nobi ! au public français. Publiés à l'occasion de la sortie au cinéma du remake "live" La Belle et la Bête sorti en 2017, les deux couvertures reprennent d'une part l'habit porté par Emma Watson, et d'autre part le nouveau design de la Bête, bien différent de celui de 1991. En 2022, Tokyopop ressort les mangas, cette fois-ci en couleurs.

D'origine américaine, l'auteure Mallory Reaves se fait connaître par ses adaptations de mangas aux États-Unis, tels que L'Infirmerie Après les Cours de Setona Mizushiro (2005-2008, publié chez Asuka en France) et Black Sun, Silver Moon de Tomo Maeda (2001-2006, inédit en France). En 2013, elle coécrit le roman The Silver Dream (Harper Collins, 2013) avec nul autre que Neil Gaiman et son propre père, Michael Reaves. Connue également pour ses collaborations avec Tokyopop, elle est la coauteure de The Nightmare Before Christmas : Mirror Moon, un manga sorti en 2022 qui offre une suite à L'Étrange Noël de Monsieur Jack (1993).

L'ouvrage reprend le format traditionnel du manga japonais en débutant par un guide de lecture de droite à gauche. Puis, celui-ci est suivi d'une lettre à l'intention du lectorat qui présente la série de mangas. Tout comme dans le manga L'Étrange Noël de Zéro qui reprend l'univers de L'Étrange Noël de Monsieur Jack en offrant une nouvelle histoire du point de vue du petit chien fantomatique, les illustrateurs ont développé ici de nouveaux angles de vue, étendant par là même les décors. Le plaisir qu'a dû prendre Studio Dice est communicatif et sera sans aucun doute ressenti par les lecteurs, lesquels ont l'occasion de découvrir une extension fournie en détails de l'univers qu'ils aiment tant. L'introduction conseille d'ailleurs de prêter particulièrement attention à la scène de prison à Villeneuve et à la chambre de Belle au château. Dans L'Étrange Noël de Zéro, l'intérêt de ces nouveaux angles consistait principalement dans les raccourcis et vues frontales inédites du chien fantôme, mais dans ce manga-ci, c'est surtout le développement cohérent des environnements qui ressort à la lecture.

Contrairement au manga dédié à Zero, le design des personnages de cette série est bien plus proche de la littérature manga japonaise, Belle étant clairement inspirée du style shōjo. Ce changement qui peut quelque peu surprendre est pourtant très réussi, car le dessin conserve toute l'essence de Belle, sa délicatesse et son fort caractère. Le style de Belle a par ailleurs donné bien du fil à retordre aux dessinateurs qui ont réalisé pas moins d'une centaine de sketchs avant de s'accorder sur la version présentée. Le dernier chapitre du manga offre d'ailleurs un aperçu de ces essais, ainsi que de ceux de divers personnages et lieux ; certains chapitres étant par ailleurs précédés de sketchs des dessinateurs.

Les illustrations sont donc extrêmement bien réussies, tout particulièrement lorsqu'il s'agit du château, qui comporte de très belles ombres et lumières propres au style du manga. Studio Dice mélange avec astuce les mondes du film d'animation, du film « live » et du manga. Le dessin de la porte d'entrée du château, même si elle est rococo, rappelle même beaucoup le plan dans La Belle et la Bête (1946) de Jean Cocteau, lorsque le père de Belle incarné par Marcel André rentre dans le mystérieux édifice pour la première fois. Il est d'ailleurs très probable qu'ils s'en soient inspirés, le film étant une référence incontournable, et l'un des premiers films fantasy de l'histoire du cinéma après certains courts-métrages de George Méliès.

Comme toute œuvre littéraire Disney et d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un récit dont l'intérêt réside dans le point de vue du personnage principal, le format écrit permet, contrairement au format cinématographique, de coucher sur papier les pensées les plus profondes du protagoniste, et ainsi, de dévoiler au lectorat du contenu nouveau dans le cadre d'une histoire déjà connue. Car ici, il ne s'agit pas d'un roman Twisted Tale, où l'histoire se voit modifiée par un détail précis, ou même d'une histoire dans laquelle il s'agit de retracer les origines d'un personnage emblématique, telle que la série des Disney Villains, mais d'une vision plus approfondie d'un film Disney.

Le récit commence comme tout conte traditionnel par « Il était une fois » et se poursuit non pas par la balade en ville de Belle de bon matin, mais par ce qui est révélé dans le film de 2017 : son enfance à Paris. L'auteure et Studio Dice offrent aux lecteurs plus de scènes avec sa mère, elle qui ne fait dans le film qu'une très brève apparition. De petits détails sont également ajoutés ou modifiés, tels que Belle donnant de l'argent à Agatha ou une vraie rose figurant dans la peinture de famille de Belle et non pas le jouet qu'elle retrouve dans l'ancien foyer parisien. Le lectorat sera également ravi de découvrir la création de la robe de 2017 et non pas seulement le filigrane en or apposé à la fin.

Belle fait davantage la démonstration de son caractère bien trempé au village au lieu d'afficher un air résigné comme dans le remake « live », par exemple dans la scène de la lessive, où elle montre clairement son mécontentement. Étant le témoin de ses réflexions, le lectorat découvre ce qu'elle pense des villageois, étant là le témoin de son énervement. Il découvre aussi que dans cette version, Belle se rend compte dans la scène du matin que les villageois parlent d'elle, et ce bien avant la fin de la chanson lorsqu'elle se retourne. De même façon, lorsque Belle rencontre la Bête devant la prison de son père, elle est beaucoup moins diplomate que dans les deux versions cinématographiques, et moins suppliante ; au contraire elle est combative, les sourcils froncés et les poings serrés.

La tonalité de l'histoire est assez différente, ce qui apparaît donc clairement dans la scène de la lessive, dont l'atmosphère est beaucoup plus tendue et agressive que dans le film de 2017, où l'ambiance était humoristique. Cela est annonciateur de la violence et de l'intolérance de la foule lors de la prise d'assaut du château qui se déroulera plus tard dans le récit. Par exemple, pour mettre un terme aux problèmes encourus par Belle avec son invention, Gaston doit tirer en l'air pour disperser les villageois. Aussi, et contrairement à L'Étrange Noël de Zéro, le manga n'inclut ni ne crée de chansons.
Un petit détail : dans la scène de la lessive, il est étrange de voir que l'âne est représenté de façon vraiment triste, et il est difficile de comprendre le but de ce détail lorsqu'il dessert l'idée ingénieuse de Belle qui est tournée vers le progrès. Elle qui est si à l'écoute des humains, des animaux et des objets, c'est un choix qui reste en point d'interrogation.

Comme ce manga-ci est présenté du point de vue de Belle, le lectorat n'assiste pas à certaines scènes entre Lumière et Big Ben ni aux interactions des objets enchantés avec la Bête. Quand la Bête vient l'inviter à dîner, le lectorat voit donc cette scène, de base aux accents humoristiques, uniquement de son point de vue et sans les interventions des objets enchantés auprès de leur maître, ce qui ôte tout aspect comique. Dans cette version et tout comme dans le remake, elle ne se jette pas sur son lit en pleurant, elle commence à organiser sa fuite.

Étant le témoin de ses pensées, l'auteure a l'occasion de développer les raisons pour lesquelles Belle décide de rester au château, même si son envie d'aventure énoncée dans la deuxième partie de la chanson Belle donnait déjà des indications. Outre ses raisons personnelles, il ne faut pas oublier le contexte historique. À l'époque, si le seigneur ou roi demandait à réquisitionner quelqu'un, la personne et son entourage n'avaient pas le choix, et devenir une sorte de dame de compagnie comme Belle était une issue inespérée considérant les autres options que pouvait comporter une telle situation. Belle tombe amoureuse de la Bête, car il est l'ami qu'elle recherchait et avec qui elle a des points communs, contrairement aux villageois. Dans La Belle et la Bête de Jean Cocteau, la Bête demande Belle en mariage tous les soirs et ils apprennent également à apprécier leur compagnie mutuelle, renouant avec les origines du conte destiné aux femmes subissant un mariage arrangé. Les réactions d'Avenant et de ses sœurs dans le film lorsqu'elle repasse chez elle donnent un aperçu de ce qui aurait pu se produire si la Bête n'avait pas été une personne bienveillante. Et à mesure que l'histoire progresse, le lecteur découvre aussi la manière dont sa vision de la Bête et ses sentiments évoluent lorsqu'elle le voit dans ses habits d'apparat lors du bal.

L'auteure met véritablement l'accent sur l'interdiction d'aller dans l'aile ouest, à l'origine une idée inspirée de la version de Cocteau dans laquelle la Bête ne veut pas que Belle le voie tuer et manger des animaux comme un animal et lui interdit par la même de le voir en dehors de moments choisis. Dans le film d'animation, l'aile ouest illustre comme aucun autre lieu connu du château le désespoir et la violence de la Bête qui, depuis sa transformation, a détruit ses appartements. Elle abrite aussi la rose que personne ne doit toucher sous peine de finaliser la malédiction.
L'auteure a décidé d'altérer quelque peu la fin en offrant une nouvelle vision de l'histoire, et le pari est réussi. Elle développe la vision de l'amour propre à l'histoire de La Belle et la Bête, à travers le point de vue de Belle et comment celle-ci envisage leur avenir, renouant ainsi avec la thématique de départ du conte de Gabrielle de Villeneuve et surtout, de Madame Leprince de Beaumont..

La Belle et la Bête : Le Destin de Belle est un manga qui ravira les fans, même si le format peu paraître inhabituel au prime abord. Grâce au travail de qualité de Mallory Reaves et de Studio Dice, voilà un ouvrage qui continue encore, plus de vingt-cinq ans plus tard, d'étoffer le film Disney ainsi que le conte originel du XVIIIe siècle. Un must ! 

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