John Carter
La Bande Originale du Film

John Carter - La Bande Originale du Film
La jaquette
Éditeur :
Walt Disney Records
Date de sortie USA :
Le 6 mars 2012
Genre :
Bande originale
Musique :
Michael Giacchino
Durée :
74 minutes

Liste des morceaux

01. A Thern for the Worse
02. Get Carter
03. Gravity of the Situation
04. Thark Side of Barsoom
05. Sab Than Pursues Princess
06. The Temple of Issus
07. Zodanga Happened
08. The Blue Light Special
09. Carter They Come, Carter They Fall
10. A Change of Heart
11. A Thern Warning
12. The Second Biggest Apes I've Seen This Month
13. The Right of Challenge
14. The Prize Is Barsoom
15. The Fight for Helium
16. Not Quite Finished
17. Thernabout
18. Ten Bitter Years
19. John Carter of Mars

La critique

rédigée par
Publiée le 18 novembre 2014

Michael Giacchino est devenu en l'espace de 15 ans le jeune compositeur le plus talentueux d'Hollywood. Sa carrière débute ainsi au milieu des années 90 chez Disney Software où il signe la musique des jeux vidéo Mickey Mania, Gargoyles et Maui Mallard. A la fin des années 90, il devient ainsi le pionnier de la musique symphonique de jeux vidéo (en particulier avec Medal of Honor, créé par Steven Spielberg). Après s'être fait la main à la télévision chez ABC Studios sur les séries Alias et Lost, Les Disparus, il est bien vite propulsé sur les grandes productions Pixar à partir du milieu des années 2000 avec Les Indestructibles, Ratatouille, Cars 2 et Là-haut, ce dernier lui permettant de décrocher l'Oscar de la Meilleure Musique de Film en 2009, consécration ultime. C'est donc assez naturellement qu'il se retrouve à composer la musique de John Carter en 2012 ; le film est en effet réalisé par un membre de l'équipe de Pixar, Andrew Stanton, et produit par la compagnie qui l'a suivi depuis ses débuts.

Comme il le précise dans le livret du disque, Andrew Stanton a spécifiquement demandé à Michael Giacchino de composer son Star Wars. L'œuvre de John Williams puise ses origines musicales dans les années 30 chez les inventeurs de la musique de film qui eux-mêmes furent inspirés par l'Opéra et le Romantisme, parfaits pour soutenir un film sur le plan de la narration.
C'est donc dans un but essentiellement narratif que Giacchino déploie une multitude de leitmotifs qui incarnent les personnages et les différents peuples de Mars (Barsoom en martien) imaginés par Edgard Rice Burroughs, à la façon d'un Richard Wagner, pionnier de l'Opéra et du Romantisme. Il utilise particulièrement la technique du leitmotif  pour incarner musicalement un personnage ou une idée avec un thème musical revenant dans différentes variations selon les rebondissements du récit.

Le thème principal de John Carter est naturellement celui associé au héros éponyme. Il apparaît dès le générique de manière lente et mystérieuse, pour signifier l'ambigüité du personnage. 
John Carter est un ancien soldat virginien de la guerre de sécession, à la fois meurtri par un sombre passé et pourvu d'un courage et d'une compassion pour son prochain admirables. Son thème musical permet de parfaitement ressentir et comprendre les deux faces du personnage, correspondant aux deux différentes planètes qui ont accueilli ses exploits. Sur Terre, John Carter est un vaillant combattant immergé dans l'Ouest américain (dans le morceau Get Carter, son thème prend une teinte nettement typée western), mais rongé par la perte de sa famille. Son esprit torturé par la peine est perceptible dans les accords chromatiques troublants de sa mélodie. Le chromatisme est une technique musicale utilisant des demi-tons, habituellement employée à l'opéra et au cinéma pour signifier l'amour, le drame et la tragédie. Ce contre-emploi du chromatisme que fait ici Giacchino, apporte une émotion plutôt inédite à un thème de héros qui parvient alors à toucher inconsciemment l'auditoire. John Carter apparaît à la fois brave et fragile. Sur Mars, il devient un alien aux pouvoirs étonnants et troque son rythme western contre des sonorités arabisantes proches d'un Lawrence d'Arabie (Maurice Jarre), histoire de planter le décor martien par un exotisme étranger. Deux planètes, deux déserts, deux musicalités, et pourtant toujours un seul thème. La structure même du thème de John Carter explique littéralement les pouvoirs extra-martiens de ce héros arraché à sa planète natale et assujetti à des règles physiques nouvelles sur la planète rouge. Son pouvoir de défier la gravité, moins forte sur Mars, est démontré par une mélodie élancée constituée de courts bonds musicaux ascendants, puis descendants. Giacchino s'amuse également à transformer ce thème en une valse entraînante dans Gravity of the Situation alors que le personnage découvre de manière enthousiaste son don terrestre. Sa force est également décuplée grâce à la densité osseuse terrienne plus robuste que celle des martiens. Dans les moments d'action (comme dans  le morceau Sab Than Pursues the Princess), son thème est alors décliné sous une forme presque méconnaissable, encore plus héroïque et frappante, chorale et cuivrée (à partir de 3:19). Le chœur décerne au héros une dimension mythique tandis que les cuivres apportent une couleur musclée et triomphante.

 Respectant la grande tradition hollywodienne, le "love theme" est associé au personnage féminin qui fournit l'intrigue romantique du film. L'exquise princesse d'Hélium, Dejah Thoris, est ainsi identifiée musicalement par une mélodie tout aussi délicate, encore une fois directement héritée du Romantisme, avec des accords chromatiques. Pourtant, Michael Giacchino s'éloigne des clichés amoureux hollywoodiens en cachant au sein de ce thème un double sens très profond. Loin du triomphalisme amoureux habituel, la morosité de cette mélodie renvoie à la fois au désespoir d'une princesse luttant dans un monde mourant (dans le touchant A Change of Heart), mais aussi et de manière encore plus surprenante au fantôme de l'ancien amour perdu de John Carter, tapis dans l'ombre de cette nouvelle idylle naissante. Avec une audace folle, un love theme devient alors le thème principal d'une séquence de bataille incroyablement violente contre la horde des Warhoons (le très poignant Carter They Come, Carter They Fall), un véritable exutoire durant lequel John Carter se libère du poids de son deuil, embrasse le nouvel amour qui se présente à lui et combat de toute sa force les ennemis qui menacent la vie de Dejah Thoris. Ce love theme parvient donc à présenter toutes les composantes de la rencontre amoureuse de John Carter et Dejah Thoris, entre une princesse martienne ayant perdu tout espoir pour sa planète agonisante, et un soldat terrien déchu ayant perdu toute famille. De ces deux désespoirs naissent une étincelle, une émotion et un espoir. Michael Giacchino possède le don de magnifier cette idée avec une musique dramatique, subtile et bouleversante. Il faudra toutefois attendre le morceau Not Quite Finished, lors du mariage du héros virginien et de la princesse héliumite pour que la mélodie connaisse une très belle envolée, à la hauteur de la force de cette union amoureuse interplanétaire.

Tous les peuples de Barsoom ont également leur voix : 
Les Tharks sont figurés par des percussions exotiques et un chant tribal scandé par un chœur massif, comme dans le morceau Thark Side of Barsoom (à partir de 1:40).
Les conquérants de Zodanga ont une signature musicale brutale (entendue pour la première fois dans A Thern For the Worse à partir de 2:04), lancée par quatre groupes de trois notes rapides et jouée comme des hordes d'hommes à l'assaut de leurs ennemis, symbolisant ainsi nettement le caractère guerrier des hommes rouges de la cité de Zodanga, en opposition à la sagesse civilisée des hommes rouges d'Hélium.
En totale opposition aux deux derniers thèmes, celui des Therns (apparaissant dans A Thern For the Worse à 3:00) ne consiste qu'en quelques nappes de violons et un chœur de femmes distant. Le thème des Therns est calme, sinueux et mystique à l'image de ceux que les martiens considèrent comme les messagers de la déesse Issus, manipulant les conflits dans l'ombre, mais ne participant pas directement aux combats.

Tous ces thèmes ne cessent de se développer, de se percuter au sein de morceaux énergiques. Ils se livrent une lutte musicale éreintante, arbitrée par le toujours splendide thème de John Carter, et ponctuée par des pauses rafraîchissantes grâce au love theme et à la voix solo éthérée de la poignante chanteuse iranienne Azam Ali  entendue dès l'ouverture du film : elle incarne en quelques sortes les âmes perdues peuplant cette planète désertique, moribonde, souffrante ; cette terre perpétuellement déchirée par la guerre.

Le point culminant de cette opulente œuvre musicale est sans aucun doute le très galvanisant The Prize is Barsoom et The Fight for Helium, la bataille finale épique entre les Héliumites, les Tharks, les Zodangiens et les Therns dans la cité d'Hélium. L'album de John Carter prend alors une dimension musicale absolument renversante, n'ayant cessé de s'étoffer durant toute sa durée. Le point final est apporté par le générique de fin (John Carter of Mars) qui reprend tous les thèmes principaux en une suite qui synthétise ainsi toute l'identité de la partition. Cette conclusion achève une symphonie de science-fiction misant autant sur l'émotion que la grandeur, bien loin des poncifs hollywoodiens actuels qui visent plus la percussion lourde et la saturation musicale que la richesse et la subtilité orchestrale ici de rigueur.

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